Vendredi 26 mai 2006,1h00 heure légale – Jeudi 25 23h00 TU

Position : Lat 47°06 Nord ; Long 2°07 Ouest

 

Phil’s se pose tranquillement sur le catway alors que la première heure de la journée de ce 26 sonne au clocher de vielle ville de Pornic !

Ca y est, nous voilà arrivés ! Un peu changés, certainement, mais complètement conquis par l’aventure.

L’heure du bilan n’a pas sonné, il faudra attendre quelques temps avant cela. Mais déjà, la satisfaction et les souvenirs de petits moments extraordinaires ont balayé d’un trait le confort relatif et les quelques petites tracasseries du voyage. 

 

Ces derniers milles nautiques ont été marqués par de la bruine et la grisaille, qui contrastaient avec mon humeur : ni nostalgie du voyage ni envieux que cela cesse, je ressent simplement l’envie d’aller de l’avant, du bonheur de retrouver la terre sans qu’il n’y ait l’envie de quitter le bateau. Le doute, pendant toute la traversée, n’a jamais eu droit de citer. Tout était simple, parfois fatiguant mais simple et sain !

 

En guise de conclusion à cette transat, je reprends un mot de l’écrivain et marin Hervé Hamon publié en préface de l’almanach du marin breton 2005, qui dit mieux que je ne pourrais le faire ce qui se cache derrière le besoin de  prendre le large :

 

« Loin et large,

Ce n’est pas un hasard s’ils parlent du large, les navigants.

Etre « au large », prendre « le large »…

Cela n’est pas seulement le « loin », le large.

Ils savent bien, les marins, que la terre se désagrège rapidement, que la mer seule fait le tour du monde, que l’infini perceptible n’est qu’une parcelle assez misérable de l’étendue offerte, constamment renouvelée. Que la route n’est jamais droite mais oblique, dérivante, estimée. Bref, que « loin » n’a pas grand sens. On est toujours loin, ça dépend de quoi.

Alors ils ont choisi un autre mot, pour dire l’horizon. Un mot qui n’exprime pas seulement la distance mais l’ouverture du compas. Un  mot signifiant que ce n’est pas assez de regarder droit devant soi, mais qu’il faut encore élargir le regard, considérer l’étendue sur 360 degrés : le large.

Imaginer qu’il existe, le large, qu’il est inépuisable, c’est admettre que partout, sur cette planète, on est ailleurs. Et que, quand bien même on prendrait Washington, Paimpol, Pékin ou Douarnenez pour le centre du monde, le centre du monde est insaisissable.

Tel est le notable privilège de ceux qui sont nés dans un port, ou qui ont cheminé vers le rivage : ils ne sont pas dupes de leur petit canton, fût-il grand. »

 

 

Merci pour votre présence, fût-elle ‘électronique’ et vos encouragements tout au long de ce petit mois. 

Bon vent !

Pierre

 

Jeudi 25 mai 2006 - Jour 29


Position à 12h00 TU : Lat 46°22 Nord ; Long 3°31 Ouest
A 80 milles nautiques de Pornic ! avec 150 milles nautiques parcourus
ces dernières 24h.

C'est après une nuit noire (pas une étoile, pas un mètre de visibilité),
l'oeil rivé sur le compas, que le parfum d'écurie est venu nous
cueillir : le vent n'a pas manqué cette nuit (jusqu'à 35nd !) et le
passage sur le plateau de Rochebonne (passage de 4000 m à 100 de
profondeur) s'est fait avec une houle formée, coutumière de l'endroit.

Depuis le début du jour, le vent a un peu faibli mais reste régulier à
25 nds et la houle s'est depuis estompée. On espère avoir ce vent là
pour rentrer au bercail...

Pour notre dernier repas du midi à bord, c'est fête diététique avec un
cassoulet accompagné de pommes de terre et du riz au lait en dessert !
Faut pas 15 jours comme ça !!!

Estimation de l'heure d'arrivée : dans la nuit entre jeudi 23h00 et
vendredi 2h00 du matin, heure légale française !

Ca fleure bon l'arrivée...
A tout à l'heure,

Pierre

 

 

Mercredi 24 mai 2006 - Jour 28


Position à 12h00 TU : Lat 45°09 Nord ; Long 6°39 Ouest
Au large de la dune du Pillat
Vent : 20 nds au 220° (Sud Ouest)

Cette première nuit de navigation depuis notre escale s'effectue dans
des conditions surprenantes ; le bateau est presque sec (seulement 4
sceaux d'eau pompés dans les fonds) !
En revanche, le manque de vent nous a obligés à mettre le moteur pour se
sortir de la proximité de la côte. Et le bruit plus l'odeur du moteur ne
sont
pas de la meilleure compagnie pour une nuit de navigation !

Ca n'a pourtant pas dérangé nos amis dauphins, toujours aussi
joueurs, qui nous ont offert un récital de sauts et de pirouettes pour
le lever du soleil. Magnifique, mais personne à bord n'a pensé à
applaudir : espérons qu'ils ne l'aient pas mal pris.

La journée continue comme elle a commencé : doucement, mais le vent
s'invite dans la partie ! De 10 nds dans les rafales, nous sommes passés à
20 nds avec des pointes à 27 nds. Le spi léger est de sortie et permet de
tirer le bateau à une allure correcte. Ca nous change des conditions qui
nous ont amenés jusqu'à La Corogne...

A 12h00 TU, nous avons parcouru depuis le port de La Corogne 120 milles
nautiques : petite journée en terme de route.
Nous avons maintenant passé la barre des 230 milles nautiques nous
séparant de l'arrivée. Notre atterrissage probable se situe donc entre le
jeudi soir (tard) et le vendredi, de tôt le matin jusqu'au début de
l'après-midi...
Fourchette évasive, cela dépendra de nos conditions de vent !

Ah ! Précision importante : le soleil nous accompagne sans pour autant
nous matraquer, la température extérieure est de 19°C et la mer calme : le
rêve !

A demain pour communication de notre date d'arrivée avec un peu plus de
précision.


Pierre

 

Mardi 23 mai 2006 - Jour 27


Position à 12h00 TU : Lat 43°22 W 8°23 N, toujours dans le centre-ville de La
Corogne
Très
peu de vent

Le voilà le jour où Phils' remet les voiles pour s'attaquer au Golfe de
Gascogne et ses quelques 350 milles nautiques qui le séparent de
Pornic, son port d'arrivée. 13h00 TU sonnaient en même temps que nous
larguions les amarres !

La dernière matinée à La Corogne a été consacrée à la préparation du
bateau pour la navigation et à la stabilisation du régime politique
installé par le Phil's depuis la prise de la ville.

De l'énergie et du mordant, l'équipage du Phil's ne devra pas en manquer
pour son arrivée à Pornic. Nous avons été informés par des sources sûres, à
terre, que les douanes nous suivaient à la culottes depuis notre départ du
Marin
! Cette étroite surveillance semble devoir se concrétiser par un
arraisonnement : espérons que les quelques cubis de Rhum que nous possédons
encore soient vite terminés afin d'être complètement en règle à notre
arrivée (tout l'équipage du Phil's y travaille activement, ne ménageant pas
sa peine pour venir à bout du breuvage condamnable...). En cas de non succès
de cette opération 'ByeBye Oh Rhum' (je n'y crois pas une seconde, mais
considérons quand même cette hypothèse), combien d'années de prison par
cubi ?
Le simple fait d'évoquer cette question nous donne des ailes (et un gosier)
pour remplir notre mission (et notre gosier).

A moins que les faits reprochés soient d'une autre nature : suspicion de
transport de poudre blanche illicite aux vues du stock de farine acquis à
la Martinique pour la préparation des gâteaux et cakes que Fabian réussit si
bien ?, taille du génois supérieure à celle déclarée par les deux
propriétaires dans la dernière Transquadra ?, dimension du pavillon
national non réglementaire ? Pour le moment, toutes ces questions restent
sans réponses. Attendons le dénouement de l'histoire !

En attendant, les trafiquants et malfrats peuvent dormir sur leurs deux
oreilles... les ressources de l'Etat sont bien utilisées à filer un voilier de
plaisance !

L'aventure continue pour Phil's, et sauf bateau anglais croisé sur son
chemin, aucun abordage n'a été programmé durant les 3 jours que devraient
compter la traversée du Golfe de Gascogne.
A demain pour la position à 12h00 TU.

Pierre

 

Dimanche 21 mai 2006, Lundi 22 mai 2006 - Jours 25 et 26


Position : Lat 43°22 Nord ; Long 8°23 Ouest dans le port de La Corogne,
Marina du centre ville
Vent : beaucoup ! mais maintenant on s'en fout.

La Corogne ; ce n'était pas prévu au départ du Marin de s'arrêter là :
l'imprévu fait partie de la navigation et il faut savoir y voir tous les
avantages : La ville est sympathique et ne bouge pas continuellement
sous nos pieds !

Nous sommes arrivés à 19h30 TU hier soir au port, avec une accalmie qui
nous a permis de « garer » le bateau par un système de pendilles (pas
commode avec du vent de travers) au pied du Royal Club Nautic de La
Corogne
(s'il vous plait) !

La pratique de la voile en Espagne est bien différente de sa cousine
française : ici, c'est du yachting, pas de la plaisance !

Après une séance Douche dans des installations luxueuses, les Phil's
sont partis fraterniser avec la population locale en partageant ses us
et coutumes d'un samedi soir espagnol : sorties de bar en bar, avec
tapas et repérage de la ville au menu.

Un peu de sommeil, sans prise de quart, nous a permis de reprendre
quelques forces. Nous avons dû notre réveil à 7h30 du matin (chouette !
4heures de sommeil d'affilees) qu'à un coup de vent !

Ce coup de vent en question nous a obligés à effectuer un changement de
place de port, sous un déluge d'eau (encore !!!!) pour quitter le Royal
Club Nautic et aller se réfugier à la marina du centre ville, plus
abritée. Réveil sympa !

Ainsi rincés, nous avons entrepris dans la foulée un nettoyage complet
du bateau - intérieur et extérieur - qui s'apparentait plus à une séance
de shadock !

Une douche et un repas le midi, faisant office de petit déj', sont
accueillis avec bonheur ! Suit une ballade dans la ville à la recherche
d'un cybercafé.

La connexion Internet, nous l'avons trouvée dans un superbe centre
commercial, où tous les désœuvrés du coin viennent tuer leur ennui dans
le bruit assourdissant du grouillement de la foule, se ressourçant en
consommant, en achetant et restant bien collé à cette multitude de
voisins anonymes : c'est un peu déroutant quand on arrive du large, avec
comme seuls voisins, du plancton et les étoiles.

Dans la soirée, les Phils', remontés à bloc, engagent les hostilités. La
prise d'assaut de la ville !
Une armada d'une demi-douzaine de bateaux français, arrêtés ici pour
diverses raisons dont une partagée par tous - la météo, prêtent main
forte à notre vaillant équipage dans cette manouvre : à 21h, la
capitulation de la ville est acquise. Après la cérémonie des couleurs,
nous décidons de reprendre contact avec la population locale, ce qui
nous octroie un peu de temps libre.

Au petit matin, provocation d'un bateau voisin : le fourbe, jusque là
anonyme, se dévoile et ose hisser un Union Jack à sa poupe : pour une
telle imprudence, le malheureux, entouré par 5 vaisseaux de la Royale
tricolore en connaîtra le prix : la sentence tombe, le bateau et ses 2
occupants avec !
Ca, c'est pour le poulpe volé en mer !! (cf. dans les mails précédents)

La journée de lundi est typique d'une journée d'escale : douche, petit
déj', réparation et inspection complète du bateau avec séance
d'alpinisme au mât, recherche d'une laverie, puis séquence Exploration
de la ville avec stop Gastronomique et achat de la panoplie du parfait
touriste !

Les rencontres sur les pontons, pour trouver une chaise de mât
notamment, sont enrichissantes : les ports sont des lieux de passages,
où nombres d'expériences de baroudeurs peuvent être apprises et
partagées, où la méfiance n'est pas de mise, où il fait bon partager un
godet à bord des différents bateaux présents en échangeant des histoires
d'embruns et d'escales.

Les conditions météo se sont considérablement améliorées ce lundi mais
la houle reste très prononcée (6 à 7 m !) : d'après nos fichiers de
prévisions, nous devrions reprendre la mer mardi, en début d'après-midi.

Je ne manquerai pas, avec le mail de demain, de donner l'heure de notre
départ !
Hasta la vista,
Pierre (alias Pedro)

 

 

 

Samedi 20 mai 2006 - Jour 24


Position à 12h00 TU : Lat 43°59 Nord ; Long 8°59 Ouest, à 45 milles
nautiques de La Corogne, Espagne
Vent de 25 à 30 nd de secteur Ouest, houle 4m
Distance sur 24h : négative, nous nous sommes éloignés de Pornic !

Comme vous en vous rendrez compte, la position du jour semble anormale :
hier vers 21h00 TU alors que nous étions plongés depuis 48 h dans une mer
démontée (au 45°18 N 10°32 W), nous avons enfin pu retrouver le lien
satellitaire et télécharger les dernières prévisions météo. Une très
grosse dépression en cours de formation dans notre Est serait arrivée
sur nous dans la journée de Dimanche si nous avions poursuivi notre route
vers Pornic. Nous aurions alors eu des vents de 45 nœuds minimum et une
houle de 6,5 mètres, et cela à encore une journée du but. Ces conditions
ne nous paraissent pas envisageables compte-tenu de celles que nous
connaissions déjà depuis deux jours (pointe de vent à 47 nds, vent à
40 nds et houle croisée de 4 à 5m) et du fait de l'absence de pilote qui
nous oblige à être constamment à la barre. Nous avons donc décidé de nous
dérouter sur La Corogne qui était à 140 milles dans notre sud-est et que
nous devrions atteindre ce soir vers 20 heures, soit avant l'arrivée de la
dépression sur cette zone.
Cette décision n'était pas facile car nous étions à seulement 350 milles
de l'arrivée et la route que nous faisons nous en écarte beaucoup, mais
c'était la seule bonne décision !

Les conditions dans lesquelles nous naviguions étaient déjà très
musclées : c'est sous le flot continu d'une lance à incendie que nous
devions diriger le bateau, dans une houle qui ne demandait qu'à déferler
sur son travers pour le coucher... Ces moments étaient vraiment très
intenses et palpitant, mais également terrifiant. Rester encore 72 heures
dans cette situation était déraisonnable.

Nous attendrons ensuite à La Corogne une fenêtre météo favorable pour
nous lancer dans la remontée du golfe de Gascogne et, enfin, arriver à
Pornic.

Concernant la vie du bord, c'est assez folklorique : mon dernier repas
chaud remonte à 72h et je vais certainement me faire un thé tout à
l'heure pour retrouver la sensation de chaleur, nous dormons avec nos
vêtements mouillés pour pouvoir remonter rapidement en cas de besoin et
tout est poisseux au touché : Fabian me demandait qui était l'animal de
@*!**µ@!! qui avait appelé ce que nous faisons de la plaisance !
(peut-être un anglais, au vu du "@*!**µ@!!"

L'inconfort sera vite oublié au profit de ce que nous avons pu vivre
d'intense au cœur de la tempête avec une mer impressionnante et des
sensations à la barre du bateau lors des surfs, dignes de celles que l'on
a à la barre d'un dériveur planant !

Je vous donnerais des nouvelles une fois arrivé à La Corogne, où
l'escale risque de durer au moins 48h...
A bientôt,
Pierre

Vendredi 19 mai 06 23H23

 

Bonsoir à tou(te)s,

Nous sommes ravis de pouvoir vous parler à nouveau, pour vous rassurer bien sûr, mais aussi pour vous expliquer notre choix de route suite à la  réception du fichier météo du jour.

Le dernier en notre possession sur la zone où nous naviguons
actuellement (45°18 N 10°32 W ce soir à 21H00 TU) datait de samedi dernier !
Une très grosse dépression est en cours de formation dans notre Est et serait sur nous si nous poursuivions notre route vers Pornic dans la journée de Dimanche.

 Nous aurions alors des vents de 45 nœuds minimum et une houle de 6,5 mètres, et cela à
encore une journée du but. Ces conditions ne nous paraissent pas envisageables compte-tenu de celles que nous connaissons déjà depuis deux jours et du fait de l'absence de pilote.

Nous avons donc décidé immédiatement de nous dérouter sur La Corogne qui est à 140 milles dans notre sud-est et que nous devrions atteindre demain soir vers 20 heures, soit avant
l'arrivée de la dépression sur cette zone.

Nous vous redonnerons des nouvelles depuis La Corogne demain.

Nous pensons à Albert et Michel sur "Rey del Mundo". Ils semblent être un peu devant, mais nous ne savons pas dire s'ils auront le temps de passer la pointe Finistère. Avez-vous la météo du jour Messieurs.? Sinon et dans le doute nous vous conseillons de vous dérouter vers le port de Bretagne sud le plus proche. Faites-nous SVP un petit mail pour nous donner des
news.

Bisous salés à tout le monde,

Captain JM et tout l'équipage de Phil's

 

 

Vendredi 19 mai 2006 - Jour 23


Position à 12h00 TU : Lat 44°52 Nord ; Long 11°55 Ouest
Vent de 30 à 35 nds, du secteur Sud Est
Houle croisée de 4m, temps gris, eau à 12°C

Enfin des crédits sur l'Iridium : j'espère qu'à terre, il n'y aura pas eu
trop d'inquiétudes !!!

Ce jour a commencé de nuit. Cette nuit a commencé dans le noir complet,
à barrer dans une mer très formée, avec de grosses rafales de vent :
c'était à la fois magique et terrifiant.

Nous avons croisé 4 cargos cette nuit, après plus de 48h sans croiser
qui que ce soit : nous sentons que nous approchons du vieux continent !

Pour le moment, sans prévisions météo, nous pensons arriver au port dans
2 à 3 jours, à partir de dimanche soir jusqu'à lundi après-midi.
Maintenant, nous ne savons pas encore ce que la météo nous réserve...
Encore 145 milles nautiques parcourus ces dernières 24 heures ; Pornic
n'est "plus qu'à" 430 milles.

Phil's accuse le coup de cette deuxième transat, avec des conditions un
peu musclées depuis quelques temps : une latte de grand'voile a cassé et
le charriot d'écoute de grand'voile semble bien fatigué. Nous espérons
que le matériel va tenir bon, et le ménageons autant que possible.

A demain,
Pierre

 

Jeudi 18 mai 2006 - Jour 22


Position à 12h00 TU : Lat 44°13 Nord ; Long 15°40 Ouest
à 590 milles nautiques de Pornic
Vent de 25 nds secteur Ouest Sud Ouest, houle croisée de 2,5 mètres

Encore un mail en différé pour vous. Le pilote, comme l'Iridium ne s'est
pas décidé à refonctionner (normal ! mais on peut toujours espérer...).
Du coup, les quarts de nuit s'enchainent en étant prisonnier du poste de
barre, avec un avantage au moins concernant la vitesse : nous avons
régulièrement des surfs où Phil's file 9 à 10 nds !

Ces dernières 24 heures (grand classique que ce début de phrase...),
nous avons parcouru 170 milles (grand classique que cette fin de phrase
également... seul le nombre change, quoi que). C'est avec soulagement
que nous avons passé la latitude du cap Finistère : le golfe de Gascogne
est désormais au bout de notre étrave, et on aperçoit Pornic à 600 milles
nautiques droit devant !

Lécher le cul (qu'il n'y ait pas confusion, le lecteur est appelé à finir
la phrase et ne pas s'arrêter sur ces trois derniers mots) : voilà ce que
les vagues, lorsqu'elles déferlent, font au bateau, le rendant
particulièrement difficile à diriger durant quelques secondes
(l'excitation probablement...). C'est donc un combat de tout les instants
que de laisser Phil's dans l'axe de sa route. Avec ça, on va revenir avec
des épaules de bodybuilder !

Une pensée particulière pour Joëlle et Laure : rétablissez-vous vite
pour être sur pied au moment d'arroser la fin du périple (pourquoi pas
dimanche qui arrive, plus certainement début de semaine prochaine !).

Arrosés, nous le somme en continue, mais le ciel ne pleure pas ; seuls les
embruns (parfois des embruns packagés en sceau !) nous tombent dessus : je
ne sais pas si on s'habitue ou si on oublie, toujours est-il que ça fait
partie du décor et que personne ne s'en plaint.

Pour se donner du courage lorsque nous avons des grains avec des rafales de
vents de plus de 40 nds, nous avons sorti les récits des records à la voile
tel que le tour du monde à la voile de Commodore Explorer en 1993 où le cap
Horn a été franchi avec 70 nds de vent sur leur HobbyCat géant...

Décidemment, on est bien à bord de Phil's !
A demain,
Pierre

 

Mercredi 17 mai 2006 - Jour 21


Position à 12H00 TU : Lat 42°15 Nord ; Long 18°20 Ouest, au Large de
Vigo
Vent de 25 nds, régulièrement au dessus de 30, houle de 1,5 à 2 mètres

Du vent, à revendre, entre 20 et 35 nds : nous avons fait route de 140
milles nautiques en 24 heures. A ce rythme, Pornic est à 5 jours devant
nous !

Hier, nous n'avons pas été gâtés par les événements. Le moral en a pris un
coup mais le coup est accusé et nous a forcé à être plus d'attaque que
jamais : nous avons coup sur coup perdu notre moyen de communication, puis
... le pilote automatique ! Phil's en compte 3 à bord, mais tous partagent
le même vérin, ... HS !
Au moment où ce dernier rendait l'âme, le bateau en a profité pour
empanner sans qu'on le lui demande ; et la jambe de Jean-Marie se trouvait
sur le chemin du rail d'écoute de GV à ce moment : résultat : une belle
estafilade jusqu'à l'os pour JM ! Pas de panique, c'est relativement
superficiel, soigné de suite, ... et le gaillard est costaud ! La loi de
Murphy, vous avez dit ?

Les quarts sont maintenant tous assurés avec un homme à la barre ! Ca fait
un peu plus de fatigue à gérer, mais ça permet d'assurer la vitesse.

Parenthèse environnementale : nous sommes accompagnés depuis plusieurs
jours par des petites capsules de plastique transparent, qui surnagent
par milliers à la surface de l'eau ; non, ce ne sont pas des protections
de coli, ni les restes d'une cargaison d'un cargo naufragé rempli
d'implants mammaires, mais a priori une sorte de méduse du large !

Toujours pas d'Iridium, donc ni prév. météo, ni mails ; tout va bien à
bord, j'espère qu'il n'y a pas trop d'inquiétude à terre ! Pour vous
montrer comment on ne se laisse pas abattre, ce matin au levé du
soleil, petit dej' en terrasse avec du pain perdu (deuxième fois dans
cette transat, c'est vraiment super bon !) et un thé, au Rhum bien
sûr.

Pierre

 

Mardi 16 mai 2006 - Jour 20


Position à 12h00 TU : Lat 42°07 Nord, Long 21°29 Ouest, très très très à
l'Est de New York, très très à l'Ouest de Madrid...
Vent de 25 à 35 nœuds de secteur Sud, houle de 2m, ciel plombé et gris
avec de la pluie

C'est déjà le 20ieme jour de cette transat (le 18eme jour plein passé en
mer...). Le temps passe vite à bord. Notre tableau de marche est
meilleur que les hypothèses les plus optimistes avant le départ (passage
Nord Açores prévu le 19 mai), avec deux explications : la première,
c'est que notre route a été très proche de l'orthodromie (donc moins de
milles parcourus que prévu), la seconde, c'est notre vitesse moyenne qui
n'a quasiment pas souffert de journée de pétole ou de vent dans le nez.

Ce bon rythme permet d'être serein sur la dernière partie de transat
dans laquelle nous rentrons maintenant : savoir l'arrivée plus proche
que le départ procure un sentiment étrange ; d'un côté l'envie
d'arriver rapidement et de retrouver la vie à terre (les proches, le
confort, le sec, etc.) ; de l'autre, la nostalgie de se dire que c'est
déjà bientôt terminé (comme à la fin de la lecture d'un livre qu'on a
bien aimé : on souhaite rapidement connaître la chute, mais on essaie
également de ralentir son rythme de lecture pour s'en garder pour le
lendemain...).

Pour le moment, l'envie de "péter un score" aidée par la pluie et le
froid, nous pousse à ne surtout pas relâcher l'effort, et à ne pas se
croire arrivé avant de l'être  !

Hier après-midi, un cap a été franchi, puisque la distance qui nous
sépare de Pornic est passée sous le seuil des 1000 milles nautiques ! Un
autre cap, vestimentaire celui-là a également été franchi : j'ai
revêtu la tenue 3 couches (maillot Polartec, sweet polaire, veste de
quart) pour la première fois cette nuit !

Ces dernières 24 heures, nous avons parcouru 160 milles nautiques. Nous
avons vraiment du gros temps (jusqu'à 43 nds en rafale!) et ne sommes donc
pas complètement maître de notre route.

Ce mail, comme celui d'hier, vous ne le recevrez pas en temps réel.
Jean-Marie vient de m'informer que nous n'avons plus d'unité Iridium ! Je
continue donc à écrire mes mails quotidiens, espérant pouvoir vous les faire
parvenir prochainement...

Pierre

 

Lundi 15 mai 2006 - Jour 19


Position : Lat 40°44 Nord ; Long 24°40 Ouest à 12h00 TU
Au large de Aveiro (Portugal)
Vent de 18 Nouds dans le 220 (Sud Ouest), mer calme avec une petite
houle d'un mètre

Les dernières 24 heures nous ont fait nous rapprocher de Pornic de 150
milles nautiques.
La nuit a été un jeu de slalom géant, où Phil's a dû, à force
d'empannages, passer entre des fronts orageux qui éclairaient la nuit de
leurs éclairs.

Les vagues et la houle, ainsi que le soleil et quelques grains ont
rythmés une journée tranquille.

Ce midi, pâtes carbo. (non, pas .nisées, .narra !) et lecture en
terrasse. Ce soir, apéro Ti Punch et raviolis en boîte : un régale !
(Cf. mail d'un jour précédent où je faisais état de la différence de
goût d'un même plat mangé à terre ou en mer). La grande gastronomie
s'est invitée à bord !

Tous les fichiers météo nous promettent du vent pour rentrer dans
Gascogne : le vrai dilemme sera d'arbitrer entre une option sud vers le
Cap Finistère et une option Nord vers Brest; pour le moment, l'option
sud tient la corde car une "bonne grosse" dépression nous est annoncée
dans les 5 jours au milieu du Golfe. L'option Nord nous oblige a une
traversée chaotique de cette zone tourmentée alors que l'option sud nous
laisse encore espérer un décalage de tout ce beau monde dans le Nord,
nous laissant hypothétiquement une porte grande ouverte sur Pornic.

C'est dans les 2 jours que nous serons amenés à choisir...
Une bande de joyeux dauphins s'est invité sous l'étrave au couché du
soleil, certainement pour nous souhaiter une bonne nuit (pour
s'endormir, il faut les compter, sautant une vague : certains terriens ont
repris l'idée en remplaçant les dauphins par des moutons - pourquoi pas
des hamsters non plus!). Et, si elle commence calmement, elle risque de
terminer un peu plus agitée, sous l'effet du vent qui nous va nous
arriver du sud !
Rendez-vous demain pour le debrieffing quotidien.

Pierre

Dimanche 14 mai 2006 - Jour 18, 12h00 TU


Position : Lat 39°03 Nord ; Long 27°02 Ouest
Vent 15 à 25 nœuds, de secteur Sud Ouest

Début de nuit en douceur sur l'eau et difficile au niveau sommeil : on
s'habitue vite à ne pas être réveillé toutes les 3 ou 4 heures !

Dès le levé du jour, nous envoyons le spi léger, pour faire le maximum
de vitesse. C'est donc 145 milles nautiques que nous avons parcourus sur
les dernières 24h de navigation (11h du jour 16 12h à l'arrivée à Horta
et 13h depuis nous avons remis les voiles).

Le bateau roule sur une longue houle de 3/4 arrière et le spi reste
difficile à maintenir, demandant beaucoup de vigilance pour éviter un
empannage non désiré.

La météo à 3 jours est plutôt favorable avec du vent portant mais
l'entrée dans le golfe de Gascogne est prévue pour se faire avec le
casque, les rangers et l'armure ! Plus nous gagnons du temps maintenant,
plus nous ménageons nos peines de fin de parcours. Nous avons donc une
double motivation pour avancer rapidement !

Nous sommes parti d'Horta en même temps que Rey Del Mundo, un voilier
Malouin (comme son nom l'indique?!?), qui fera une route plus Nord que
la notre pour rentrer en Manche. Nous avons donc un compagnon de route
pour ces premiers jours mais nos options respectives ne nous ont pas
permis de rester à vue. Nous irons aux nouvelles en fin de journée pour
savoir où ils se sont planqués !

A demain,

Pierre

 

Samedi 13 mai 2006 - Jour 17


Position : stable ! Lat 38°32 Nord ; Long 28°37 Ouest, port d'Horta
(Açores)

C'est en fin de journée d'hier que la terre s'est découverte sur
notre horizon, à plus de 40 milles de nous... Nous avons posé le pied
sur le plancher des vaches de nuit à 23h00 TU le vendredi, dans la marina
d'Horta, à coté de bateaux qui font passer Phil's et ses 12m pour un
optimiste perdu au milieu des bateaux du Vendée Globe !

Une bonne nuit de 6H de sommeil EN CONTINU plus tard, nous avons
attaqué les quelques formalités de douane, le changement de
place pour aller dans l'air de jeu réservé à la catégorie de
notre coursier, avant d'attaquer les choses sérieuses : la douche !

La journée s’est ainsi passée entièrement à courir de tâche en tâche : faire des
lessives avec séchage (enfin!), prendre une douche (idem), visiter la
ville, prendre une bière au mythique Café Sport Chez Peter, faire quelques
courses dans les magasins ouverts, télécharger les fichiers météo, faire
connaissance avec toute cette faune de tour-du-mondistes, de philosophes
baba cools, de voileux purs et durs, d'échanger avec ces gens autour d'apéro
dans les carrés, etc. Les îles volcaniques des Açores offrent à ces basses
occupations un environnement de rêve, proposant verdure, montagne, mer et
citées chaleureuses, le tout avec un très bon accueil !
En bref : une escale !

A peine goûté à ces joies, nous allons goûter à celles de la navigation.
Un peu avant 23h00 TU, nous quittons le port d'Horta, sans avoir oublié de
laisser sur le quai une trace peinte de notre passage, plus par tradition
que pour son côté porte-bonheur : on n'est pas superstitieux, ça porte
malheur !
A nous Pornic ! A vous les studios !

Pierre

PS : Bon anniversaire p'tite soeur !

 

 

Vendredi 12 mai 2006 - Jour 16, 12h00 TU


Position : Lat 38°28 Nord ; Long 30°14 Ouest
Vent régulier 20 nœuds de secteur Nord Ouest

Nous voilà redescendus de nos montagnes ! Une nouvelle fois, en l'espace
d'une nuit, le décor a changé : la mer s'est adoucie, l'allure portante
nous est favorable et Phil's passe bien la houle.
Le vent reste pourtant intense et changeant : ainsi le plus court chemin
n'est pour nous n’est pas la droite mais une série de courbes, d'empannages,
qui nous permet d'assurer vitesse et... confort.

Les Açores approchent, le nombre des bateaux croisés nous le rappellent
: en début de nuit, nous avons croisé jusqu'à 4 cargos simultanément,
dont 1 qui est passé à moins de 500m de nous, dégageant une forte odeur
de gasoil...

Nous sommes suivis depuis le couché du soleil, hier, par trois mouettes.
Peut-être nous ont-elles confondus avec des pêcheurs, mais là, elles
risquent d'être déçues. Les poissons (ou anglais ?!) des environs n'ont
aucune éducation puisque notre magnifique calmar en plastique jaune
fluorescent a été avalé sans que l'auteur de cette fourberie ne daigne
s'inviter à notre bord !

A défaut de pêcher, nous pourrons toujours nous convertir à la chasse
(en "bon chasseur" bien sûr) et attraper un de ces volatiles qui nous
tournent autour.

Notre esprit pacifiste et rationnel nous commande cependant d'apprécier
le vol gracieux de ces oiseaux, passant dans les vagues, effectuant des
vols planés entre les sommets de leur crêtes et ce, pour deux raisons :
la première, pacifiste, demeure dans le plaisir de contempler ce
spectacle captivant de cette liberté sauvage,
la seconde, rationnelle, consiste à garder nos munitions, des fois que
nous trouvions un anglais à croiser dans les parages !! ;-)

Ces dernières 24 heures, nous avons parcouru 150 milles nautiques.
L'allure est ni mauvaise, ni bonne, mais on avance !

Bon WE, à bientôt,

Pierre

Jour 15, Jeudi 11 mai 2006, 12h00 TU


Position : Lat 37°23 Nord ; Long 33°14 Ouest
27 nœuds de vent dans le 260
Mer formée forte houle de 3,5m
A 220 milles des Açores

Phil's s'est métamorphosé cette nuit de marin en montagnard ! Il
escalade sans pause des montagnes d'eau, franchissant cols et pics,
descendant les pentes vertigineuses d'un seul trait et repartant à
l'assaut du défi suivant : relief d'eau marqué par son sommet blanc
d'écumes, tel un glacier  qui ne se laissera pas passer sans lutter !

La présence de cette chaine montagneuse s'explique : depuis maintenant
plusieurs heures, le vent a trouvé une vigueur juvénile qui le propulse
à 28/30 nœuds, avec des pointes à 37 nds ! Et ca devrait ne pas s'arrêter
tout de suite !
Nous nous enfonçons doucement depuis hier dans une dépression (de 1016
hpa, nous en sommes à 1009...), centrée au nord des Açores. Ce cercle
parfait de basse pression s'étend du 34 au 51ème parallèle, faisant
office de grosse machine à laver pour qui s'en approche !
Il se trouve justement que Phil's avait besoin de lessive à bord : nous
voilà exhaussés.

Nous n'avons pourtant pas vraiment le choix : l'autre option, plus sud,
nous fait longer les côtes portugaises, pour avoir le bonheur d'entrer
dans le golfe de Gascogne ... par le Cap Finistère ! Ce serait l'option
du reculer pour mieux sauter !

La bonne nouvelle du jour vient de la route que nous avons parcourue ces
dernières 24h : 160 milles nautiques ! Cela faisait trois jours que nous
n'avions pas regoûter à la joie d'avancer correctement.

Avec cette allure, nous devrions toucher l'île de Faial sur
l'"Archipelago dos Açores", à Horta, dans moins de 2 jours.

Je vais remettre mes crampons, prendre mon piolet et retourner escalader
les crêtes (A terre, les montagnes russes ne me feront plus peur !).

Pierre

 

 

Jour 14, Mercredi 10 mai 2006, 12h00 TU


Position : Lat 35°54 Nord ; Long 35°59 Ouest, au large de Gibraltar
15 nœuds de vent dans le 350 (Nord-Nord Ouest)
Mer calme à peu agitée

Le temps change très vite. D'une mer hachée, nous voilà sur un océan
clément. Nous sommes toujours au plus près du vent mais maintenant le
bateau passe bien la vague : le confort et la vitesse se sont améliorés!

Comme prévu, la distance parcourue hier est la plus mauvaise depuis le
départ : 120 milles nautiques, mais nous n'avons rien perdu de la
latitude acquise les jours précédents.

Nous avons croisé cette nuit un bateau de pêche. C'est le signe que nous
nous approchons de la terre ! Nous avons décidé de faire une courte
halte aux Açores, pour découvrir les lieux.

Pour le moment, l'occupation sur le pont est plus digne de celle régnant
sur un liner de croisière que sur celui d'un voilier de régate : les
serviettes de plages, la crème solaire et les bouquins sont de sortie.

Nous venons de croiser des baleines, dont la première est venue sonder le
ciel à une petite longueur du bateau ! Impressionnant et émouvant de voir
ces bébêtes dont la plus petite était bien plus grande que Phil's (12 m
quand même) !

Les tâches ménagères n'ont pas manquées : cours Shadock pour commencer avec
le pompage des fonds, puis bain en terrasse avec une eau à 17°C et un fond
d'air à 20 (vivifiant!), puis vaisselle et cours de rangement. Vivement que
le vent revienne !

Jean-Marie faisait le point sur le peu d'animaux que nous avions croisé
pendant ces 13 premiers jours de navigation : cet océan tout bleu
serait-il donc un grand désert salé ?
Il était bien inspiré. Il commence par le plancton phosphorescent, "animal
fidèle mais peu causant, il nous accompagne depuis le départ. Peu enclin
au travail, il sort surtout le soir et sait mettre de l'ambiance même les
nuits les plus sombres. Toujours prêt à briller en société même si sa
conversation est un peu limitée". Venait ensuite le poisson volant ou
exocet: "d'un caractère jovial et bondissant,(...) il est farouchement
indépendant (on ne le croise jamais en banc), semble surfer au dessus des
réalités mais jouit pourtant d'une réelle propension au suicide. On ne
compte plus les cadavres de ces pauvres bêtes venues s'échouer sur le pont
de Phil's. Cette fragilité psychologique nous le rend plutôt sympathique
et l'on se demande encore pourquoi de vilains marchands d'armes ont
emprunté son nom pour commercialiser leurs engins de guerre. Sur le plan
culinaire: ne s'attrape pas, il tombe à vos pieds.
Se cuisine au four avec un trait d'huile d'olive et une portion de riz
Taureau Ailé...". L'inventaire continue avec le dauphin : "C'est l'ami des
enfants qui adorent son coté rieur et même un peu clown. Grand sportif, il
ne vient nous voir que lorsque nous filons au moins 7 nœuds et fait alors
force démonstration de ses abdos en béton. A l'inverse du poisson volant,
il est très famille et voyage toujours en bande. Exprime ses sentiments
par de petits couinements proches de la souris". Les deux derniers n'ont
jusque là pas été mentionnés dans mes mails : "l'anglais: un seul couple
croisé il y a trois jours sur un ketch en route vers les Antilles. Maître
des mers aux 18 ème et 19 ème siècles, l'espèce est aujourd'hui en voie de
disparition. Nuisible, elle n'est pas protégée et peut être chassée à
l'envie. Sur le plan culinaire: comme l'amanite tue-mouche, il présente en
surface des points roses sur une peau blanche.
Attention: absolument pas comestible !!!", et enfin "la @[[##{###{^^@@]])
de saloperie de bestiole qui nous a déjà croqué deux jolis petits poulpes
en plastique accrochés à la traîne sans nous faire la politesse de monter
à bord. N'a même pas laissé de carte de visite (...). Nos soupçons se
portent quand même vers l'anglais...".

Nous allons certainement avoir un peu d'activité cet après-midi, car les
cartes météo nous montrent que le vent doit adonner et forcir. Envoi du
pépin en perspective !

Pierre

 

 

Jour 13, Mardi 9 mai 2006, 21H TU

 


Position à 12h TU : Lat 35°29 ; Long 38°22
Vent de secteur Nord-Nord-Est, 25 nds

C'est la guerre ! La fin de journée dernière et la nuit passée ont été
assez clémentes, avec peu (trop peu) de vent et une mer calme. Mais
depuis ce matin, les conditions ont bien changées !
Le vent s'est mis dans l'axe de notre route, sa force est montée entre
20 et 35 nds et la mer est devenue hachée !!! C'est dur pour le bateau...
et pour les organismes : le pont est constamment submergé sous les
vagues et nous luttons plus pour ne pas faire route arrière que pour gagner
du terrain... Cela augure un piètre score pour demain !

De 12h TU le 8 mars à 12h TU le 9, nous avons parcouru 140 milles
nautiques... L'allure s'est ralentie, et demain sera marqué par le même
constat. Mais j'imagine que c'est pour mieux rebondir.

Nous discutons aujourd'hui de l'opportunité de s'arrêter aux Açores,
moins par nécessité (nous n'avons pas besoin de faire cette halte) que
par l'intérêt du voyage : notre route, qui devait être Nord, passe par cet
archipel mythique (pour son anticyclone!) donc pas de route
supplémentaire, et les Açores sont de magnifiques îles avec une ambiance
bien particulière (c'est la base avancée de tous les tour-du-mondistes et
autres aventuriers nautiques).

Réponse demain.
Je ne vais pas être bien long : les mouvements de la mer ne me le
permettent pas !
A demain,

Pierre

 

 

Jour 12, Lundi 8 mai 2006, 12h00 TU


Position : Lat 33°40 Nord ; Long 40°09 Ouest, au large (très très au
large) de Casablanca
Vent de secteur Ouest, 15 nœuds, vitesse fond 7 nœuds

Par quoi commencer aujourd'hui ! J'ai plein de chose à partager. Après
ce qui n'était finalement "que" 24 h de pétole, nous voilà de nouveau
touché par la bonne grâce d'Eole !

Le manque de vent se fait cruellement sentir sur le nombre de milles
parcourus ces dernières 24 heures : 130 seulement, mais 130 quand même !

Le début d'après-midi d'hier a été éprouvant. Nous nous sommes donc
inventé des activités comme des changements d'amure, le check up du plan
de pont, l'envoi du spi ... C'est ce dernier qui finalement, avec un
filet d'air persistant à réussi à rester gonflé et à nous tracter à la
folle vitesse de 4 nœuds pour 6 nœuds de vent...

Nous avons débuté la nuit sous spi, avec un vent stable de 7 nœuds, soulagés
d'avancer, enfin. La nuit a été magnifique, avec 10 nœuds de vent, cap
à l'Est, accompagnée par la lune à demi-vêtue, éclairant notre sillage
de reflets dorés, tel le scintillement d'étoiles marines.

Le ciel dégagé, la mer calme, le spi léger docile et quelques étoiles
filantes nous ont tenu compagnie durant cette nuit enchanteresse !

Le matin n'était pas en reste de douceur, avec, sous un soleil clément,
un ballet de dauphins à l'étrave de notre coursier ! Ils nous ont suivis
pendant près de 2 heures, nous laissant le temps d'épuiser les batteries
de nos appareils vidéo ! Moments magiques inoubliables !

Le vent a forci doucement et régulièrement et nous venons d'affaler le
spi. Mais la vitesse n'est pas pour autant pénalisée : nous tenons un
petit 6,5 nœuds
sur une route parallèle à l'orthodromie.
Nous faisons route Nord Açores dans l'espoir de les atteindre dans 4 à 5
jours...

Pour clore ce chapitre journalier, une petite escapade gourmande : une
tarte au citron préparée par les soins du cuistot Fabian sera au
programme du prochain repas ! Bon WE, bon appétit,

Pierre

Dimanche 7 mai 2006, 12h00 TU, Jour 11


Position : Lat 32°40 Nord, Long 42°18 Ouest
Vent : c'est quoi, du vent ? Peut-être 4 nœuds en rafale, plutôt de
secteur Ouest...
Route sur les dernières 24 heures : 140 milles nautiques, dont la moitié
dans l'après-midi d'hier.

La voici la redoutée !!! Elle nous a retrouvé et ne veut plus nous
lâcher, depuis 20 heures déjà... Elle, la pétole, le manque de vent, la
situation où il n'y a rien à faire à bord, où on se rend compte, qu'au
milieu de nul part sans occupation, on est vraiment seul !

Les belles prévisions ne seront donc pas tenues... Il nous a manqué
quelques jours pour rebondir sur une nouvelle dépression, qui
sera déjà bien loin lorsque nous approcherons des Açores. Seulement, celle
sur laquelle nous surfions était puissante et nous a doublés plus vite que
prévu.

Rien n'est jamais joué d'avance et je me suis un peu emballé hier...
Difficile de parler beaucoup sans en dire trop !

Reste à travailler sur une autre des armes du navigateur : la patience,
et le moral : va falloir être solide et exploiter les moindres souffles
d'air ! La chance devrait nous sourire de nouveau..., on y travaille.

En attendant, le bateau s'est transformé en buanderie géante, avec tout
ce qui était humide à sécher en terrasse (drap, short, ciré, pantalon,
duvet, chaussures - pour celles qui restent à bord car j'en ai perdu
une dans les conditions musclées de l'après-midi d'hier-, coussins du
carré, serviettes, etc.). Bref, il ne reste pas grand chose dedans...

L'effort physique est plus facile à produire que l'effort sur les nerfs,
mais une transat, ça doit se mériter sur ce terrain également.

Demain, levée des couleurs au pied du mât, et chanson tous en cœur :
"Allons enfants..."
J'espère que vous profitez bien de votre WE de trois jours !

Pierre


Samedi 6 mai 2006, jour 10, 12h00 TU


Position : lat 31°29 Nord, long 44°42 Ouest
Vent de secteur Sud, 30 nœuds ; vitesse : 9 nds

Tout baigne !!! Voici les deux mots qui me viennent en tête
immédiatement. Les conditions sont musclées : rafales de vent à 42 nœuds !,
la mer très formée, la vie à bord s'organise en mode "survie" (veste de
quart, gilet et harnais de sécurité) et les vagues sont nombreuses à
venir nous faire un baiser salé sur le visage..., les grains réguliers,
les orages proches, mais quel bonheur !!!, quel pied !!
Tout baigne, donc : le moral, le plaisir de naviguer, la vitesse, les
fonds du bateau, les pieds, les sous-vêtements, il ne reste pas un cm²
qui ne soit pas rincé par de l'eau, salé ou douce au choix...

Les dernières 24 heures, nous avons parcouru 190 milles ! Nouveau
record, et la barre fatidique des 200 milles journaliers n'est plus qu'à
une longueur de la proue de Phil's... Elle nous fait rêver, cette barre
des 200, mais les conditions dans lesquelles nous naviguons nous
rappellent qu'il faudra rester humble...

Nicolas, je préfère rester prudent, mais j'aurai peut-être des jours de
congés à annuler ! Je craignais plus que tout la pétole, et pour le
moment, elle ne s'est pas vraiment montrée : les conditions météo me
sont très favorables. J'espère que l'équipe DR Ouest avance à bon rythme
et que les conditions économiques lui sont également très favorables !
Et que notre challenge commun est source d'inspiration pour vous autant
qu'il l'est pour moi...

Phil's est installé dans la seule dépression des environs, et se dirige
à pas de géant vers les Açores. Notre prochain défi va être de rebondir
sur un nouveau système météo après que la dépression qui nous accompagne
nous ait doublés (dans les 2 jours qui viennent...).

Pour l'instant, les moments hors quart sont consacrés à la récupération,
à la lecture et à la réflexion... tout un programme.

Bon WE et à bientôt,
Pierre

PS : Un grand Merci pour vos emails d'accompagnement. Désolé cependant
de ne pouvoir y répondre individuellement avant mon retour à terre...

 

 

Jour 9 - Vendredi 5 mai 2006, 12h00 TU

 

Position : Lat 29°33 Nord ; Long 47°30 Ouest

Vent de travers, secteur 160, 22 nœuds, vitesse 7,5 nd

 

La pluie nous a laissé tranquille cette nuit et ce matin. La mer est de

nouveau formée et le ciel bas et gris, mais le soleil arrive à être de

la partie : du coup, le décor est vraiment magnifique.

 

Les dernières 24h, nous avons effectué 165 milles nautiques, moins bien

que le précédent score, mais très honnête!

 

Dans les projections météo, nous avons vraiment une carte à jouer : pour

le moment, les îles du milieu de l'Atlantique Nord sont à 6 jours de

route de là où nous sommes...

 

Mais les prévisions restent les prévisions et "la tête froide il faut

savoir garder". Les fluides "eau" et "air" sont régis par des mécaniques

bien trop complexe pour se permettre d'avoir des certitudes. Nous

essayons simplement, avec un peu de réussite pour le moment, à ménager

les équilibres entre route et vitesse, en restant positionné dans les

zones de vent...

 

La fatigue se fait sentir et les périodes de récupération semblent

maintenant un peu courtes... mais le moral reste au beau fixe et l'idée

d'un chrono sympa permet de rester bien éveillés !

 

Ah oui, dans mon dernier mail, je partais à la veille après avoir

détecté un radar : il s'agissait d'un cargo qui venait de notre arrière

bâbord et qui nous a doublé dans la nuit sur bâbord, route parallèle.

 

Pour faire partager quelques bonheurs du bord, voici une petite

sélection :

la position debout est une position très éphémère,

la tenue de rigueur du moment est le short et une paire de chaussures en

terrasse (19°C pour l'eau, l'air à 26°C),

une manœuvre toutes les 2 heures en moyenne,

une humidité ambiante très présente (vêtement, peau, siège, couchage,

etc.)

Des repas sans heure, en terrasse au soleil, accompagné d'une "bonne"

bouteille de vin (en Mer, les aliments sont différents ; la preuve avec

le succulent pâté Hénaff à bord qui perd très vite de son lustre à

terre... essayez et vous verrez !)

Un rythme de vie calé sur des cycles de 3 ou 4h, sans distinction du

jour ou de la nuit,

Des moments de détente hors quart avec de la lecture (Fabian lit "Guerre

et paix" de Tolstoï, un bon pavé de 1444 pages écrit petit, digne des

cales des vielles armoires rustiques, et en anglais s'il vous plait...)

 

Voilà pour les dernières nouvelles (qui ne viennent pas d'Alsaces...)

 

Pierre

 

 

Jeudi 4 mai 2006, 12h00 TU


Position : Lat 27°39 N ; Long 49°53
Vent de secteur Sud, 20 nœuds

Les conditions météo du bord ont changé ces dernières 24 heures.
Durant la nuit, nous avons été rincés par de la pluie, qui nous
accompagne encore !

Hier soir, nous avons envoyé le spi pour un essai. Essai musclé et
concluant : dès que les conditions nous le permettrons, cela devrait
sensiblement améliorer notre vitesse. Nous ne l'avons pas gardé pour la
nuit mais une mer calme et un vent régulier au portant nous ont permis
de garder un rythme supérieur à 7 nd : 170 milles nautiques parcourus en
24 h, nouveau record.

A bord, la vie s'organise avec cette nouvelle donne "humide" : plus dans
le carré et moins en "terrasse". En ce moment même, c'est le pilote
automatique qui barre, avec un homme de quart abrité dans la descente
pour faire la veille.

La transat pour nous se joue en ce moment avec les prévisions météo :
nous espérions récupérer une dépression pour contourner par le Nord le
fameux anticyclone des Açores. A priori, nous sommes bien calés sur son
aile et voyons défiler les milles nautiques sans trop d'effort. Nous
voyons à peu près clairement jusqu'à 3 jours devant nous, et la
latitude 30° Nord est dans la ligne de mire. Après, nous serons bien
positionnés et ferons avec ce qu'Eole mettra à notre disposition...

En cette fin de matinée, c'est activité lecture et pratique des nœuds
marins dans le carré, après avoir dégusté du pain perdu au petit dej' :
dur !
Le mauvais temps a du bon...

Toujours pas aperçu un bateau à l'horizon et toujours une pluie
d'exocets à bord : les nuits se suivent et se ressemblent par certains
aspects.
Heuh, désolé, il suffit de l'écrire pour que l'activ'echo se mette à
sonner : nous avons donc un bateau voisin pas trop loin mais
suffisamment pour ne pas le voir.

A bientôt, la veille m'appelle.
Pierre

PS : Laurent, passe mon bonjour à la JCE Nantes !

 

 

 

 

 

Mercredi 3 mai 2006, 12 heure TU


Position : lat 25°26 ; long 52°00
Vent de 20 nd au 140°

"I Phil's good !"
Deux nouvelles me donnent des raisons d'afficher une humeur optimiste :
la première est la route que nous avons parcourue ces dernières 24
heures. 170 milles nautiques, qui plus est, alignés sur l'orthodromie, ça
a été beaucoup de bonheur à la barre, avec un zest de fatigue vite
éclipsé par ce score.
la seconde vient des derniers fichiers météo téléchargés : comme espéré,
et supposé au départ de notre option, l'un des deux anticyclones (le
second) qui nous barrait la route Nord est en train de se faire chasser
par un système dépressionnaire : le challenge pour nous est maintenant
d'arriver à temps pour récupérer ce système et contourner ce deuxième
anticyclone par le Nord (après avoir passé le premier par le Sud). Les
avantages seraient triples : 1/ le vent basculerait au portant 2/ la
route resterait assez proche de l'orthodromie 3/ on évite une
fastidieuse remontée du Golfe de Gascogne à partir du Cap Finistère.

Enfin, la principale raison de ma bonne humeur vient certainement du
plaisir intense de se trouver au milieu d'un Océan, sans âme humaine à
l'horizon, plongé dans un monde Nature qui nous tolère, qui nous protège
mais qui peut à tout instant décider de changer la règle, de découvrir
avec délice la magie du manteau sombre de la nuit sur la surface de
l'eau dessinant par reflet les milles et une étoiles de la voute
céleste, d'entendre et d'écouter le "silence" lancinant du vent propice
à la réflexion, de prendre conscience de vivre grâce à des gestes
simples, à travers des réflexes enfouis en soi, de comprendre pourquoi
l'instinct m'a poussé à vivre ces moments et cette aventure.

Voilà pour ce jour...

Ah, oui, Nicolas : les conditions météo m'étant pour le moment plutôt
favorables, je suis en mesure aujourd'hui de faire moins de milles que
prévu, mais en moins de temps aussi ! "C'est à la fin de la foire qu'on
compte les bouses..." Qui vivra verra.

Pierre
www.bogenschutz.net

PS : Amis de Talloulha, qu'ont données les régates de l'Obélix ?
J'attends de vos nouvelles.

PS2 : Fabian passe le message que tout beigne (il revient du pont après
avoir pris une vague sur la figure !)
Mathieu, dit Le Chilien, quant à lui, n'a pas perdu l'appétit, même devant
une boite de Chili Con Carné : il avait pour lui un entrainement de plus
de 8 mois.
L'ambiance à bord est au top et nos deux équipiers sont visiblement ravis
de l'aventure !

PS3 : Vous avez été plusieurs à demander un reporting sur la consommation du
Rhum : d'abord merci à eux pour les curiosités. Eh bien, pour le moment, et
malgré la bonne allure du bateau, nous avons été obligé de réduire la
consommation, afin de ne pas risquer trop vite une pénurie qui pourrait
s'avérer catastrophique ! Le moral reste cependant bon...

 

Jour 6 - Mardi 2 mai 2006, 12h00 TU


Position : Lat 23°11 Nord, 53°55 Ouest
Vent de secteur Sud Est dans le 135°

Pour ces dernières 24 heures, nous avons de nouveau établi une bonne
moyenne avec 155 milles nautiques de route au compteur. Ce score,
d'abord très mal parti, a été récupéré dans la nuit grâce à un vent
forcissant 20 nœuds et basculant dans le Sud : nous avons donc pu
ouvrir les voiles et prendre 8 nœuds durant 3 heures de suite !

Bref, une nuit pas de tout repos mais sympathique ! Pour barrer, la
route était indiquée par Cassiopée (constellation) dans l'alignement de
la barre et du mât.

La mer est maintenant bien formée, le fait de rester en position debout
à l'intérieur du bateau relève de l'exploit et les tâches quotidiennes
ne sont pas faciles à accomplir (cuisine, toilettes, je vous passe les
détails dans les WC...).

Pour agrémenter notre parcours, nous avons reçu la visite d'un étranger
à bord : un Exocet a pris pour cible la GV dans la nuit et nous l'avons
retrouvé ce matin mort dans les bourrelets du premier ris avec la
complicité d'un oiseau de mer qui a senti un repas facile à se mettre
dans le bec et nous a donc gentiment alerté en nous gratifiant de
quelques chiures !

Sur ces détails qui mettent en appétit d'aventure, j'attends quelques
nouvelles de vous !
A demain ! Pierre

 

 

 

Lundi 1er mai, 12h00 TU


Position : Lat 20°59 N, Long 55°31 W, au large de Cuba !
Vent de secteur Est, 20 nd

Fête du travail oblige, ce point journalier va être dédié au Team ECS,
resté à terre pour faire marcher le vaisseau aux trois lettres !
Courage, il va falloir mettre les bouchées doubles pour nous "doubler"
car Phil's file un train d'enfer : 155 milles nautiques parcourus ces
dernières 24h, soit plus de 6,5 nœuds de moyenne ! C'est certain, on
peut encore mieux faire mais le rythme est confirmé et au-dessus de nos
prévisions.
Nous terminons d'ailleurs de compiler nos engagements pour les
prochaines 24h et ne pouvons donc pas encore transmettre un engagement
ferme et définitif : par ambitions, les 160 milles sont pressentis !

Malgré un passage d'une heure dans la pétole en milieu de nuit (5 nœuds
de vent), nous avons connu une nuit ventée avec une mer plate (2 m de
creux). Des milliers d'éclats du plancton phosphorescent scintillent au
passage de l'étrave et forment un sillage ayant l'aspect d'un miroir
reflétant les milliers d'étoiles illuminant la voute céleste.

Ca déchire, hein !

Pour la vie du bord, nous sommes toujours complètement seuls sur notre
étendue d'eau : à croire que nous sommes des génies pour avoir pris
cette option, ou des malades qui ne savent pas encore ce qui les attend
! La route que nous faisons est très proche de l'orthodromie (route
directe), et nous sommes très attentifs aux prochaines prévisions météo,
car nous avons peut-être un joli coup à jouer si la dépression située au
sud de l'anticyclone des Açores écrase et chasse ce dernier vers
l'Europe !

Je vais devoir vous quitter pour aller participer au défilé unitaire
prévu à l'appel de la GCT (Confédération générale des Transatiers), de
FO (Force Océanique) et de la CFDT (Confédération des fêtards déterminés
à traverser). J'espère qu'il n'y aura pas de dé"bord"ement...

A demain pour la suite de nos aventures salées !
Pierre

 

 

Dimanche 30 avril
12h00 TU
Position : 19°22 Nord ; 57°39 Ouest

Le rythme est pris : Phil's a parcouru 150 milles nautiques ces
dernières 24 heures.
Les quarts de nuit sont un vrai bonheur : le ciel est étoilé sans
qu'aucune lumière ne puisse venir perturber ce spectacle.

Cette nuit de 4 à 8h TU, j'ai gardé la barre dans un vent de 20 nd avec
une vitesse fond de 7 nd. L'amarinage est terminé : je suis devant la
table à carte depuis maintenant 45 minutes et tout se passe bien.

Coté croisement, nous sommes vraiment dans un désert d'eau : nous avons
aperçu 2 cargos, approché un bateau de pêche et un figaro 2 de la
Transat AG2R, et nous sommes fait doubler à 200 m par un yacht de
milliardaire il y a de cela 1h : voilà les seuls contacts que nous avons
pu avoir...

Dans l'organisation du quotidien du bord, puisque je n'en ai pas parlé
pour le moment, les quarts sont organisés en 3x4h puis 4x3h.
Concrètement, pour les jours pairs, les chefs de quarts sont : de minuit
à 4h, de 8h à 12h, de 16h à 19h, et de 22h à minuit (prolongé
jour impair jusqu'à 1h) Jean-Marie ;
De 4h à 8h, de 12h à 16h, de 19h à 22h, c'est moi.

Les jours impairs, c'est :
de minuit à 1h, de 4h à 7h, de 10h à 13h et de 16h à 20h : JM
de 1h à 4h, de 7h à 10h, de 13h à 16h et de 20h à minuit : Pierre

Nous sommes toujours 2 sur le pont : Fabian et Mathieu, comme JM et moi
ne font que se croiser.
Fabian les jours pairs est d'attaque de 2h à 6h, de 10h à 14h et de 18h
à 21h. Il continue les jours impairs par du minuit à 3h, de 6h à 9h, de
12h à 15h et de 18h à 22h.
Mathieu commence les jours pairs par minuit à 2h, de 6h à 10h, de 14h à
18h et de 21h à minuit. Pour les jours impairs, c'est 3h à 6h, de 9h à
12h, de 15h à 18h et de 22h à minuit (qui se fini jour pair à 2h...).

Ca parait peut-être un peu compliqué mais avec un planning sur 2 jours,
c'est très simple !

Un exocet vient de nous donner une leçon de slalom entre la crête des
vagues... J'aimerai pouvoir en photographier un mais l'instant de
leur vol est éphémère.

Pour la route qui nous mène en Europe, deux anticyclones sont installés
au milieu de l'Atlantique et nous coupe la route Nord (à moins de
redescendre par les Shetlands..). C'est donc a priori une route sud que
nous allons devoir prendre : nous ne faisons que du près depuis notre
départ et ce n'est pas parti pour changer. Le passage du cap Finistère
sera en plus certainement bien musclé. A suivre dans les prochains jours
l'option qui sera choisie : Nord ou Sud.

Je vais retourner dehors. A demain.
Pierre

 

 

 

Le samedi 29 avril, 12h TU
Position : 17°25 N, 59°14 W

Aujourd'hui, samedi, et pourtant tout le monde travaille à bord de
Phil's.
140 milles nautiques parcourus ces dernières 24h, soit une moyenne
supérieure à 5 nd.
Petite anecdote : j'ai surveillé cette nuit un "bateau" feu rouge sur
notre tribord (droite : donc faisant une route dans le même sens) avec
fréquemment du secteur blanc dans son feu rouge (donc : trajectoire qui
s'éloigne pour apercevoir de temps en temps son feu arrière) : pb : ce
feu n'a cessé de grossir ! Pas logique : veille attentive pour se rendre
compte que mon bateau n'était que Mars en train de se lever...

Nous marchons actuellement à 7,5 nd vent travers et avons pu prendre un
bon repas hier soir avant le coucher du soleil... Je ne sais pas à quand
le prochain.

A bientôt,
Pierre

Vendredi 28 avril


Position à 12h TU : 15°25 N ; 60°30 W

La première nuit à bord et le premier lever de soleil au large ! Les
conditions météo sont bonnes avec une houle de 2 à 3 m et un vent de 15 à
20 nd.
Déjà, des exocets ont accompagné le bateau. Mon premier repas, 14h après
le départ, a été un paquet de tranches de jambon.
L'amarinage ne se fait pas tout seul... et la position debout devant la
table à carte met à rude épreuve l'organisme.

Pas de distribution aux poissons toutefois...

La nuit, la sensation est géniale : le ciel est très étoilé et les
"voisins" peu nombreux puisque nous avons croisé seulement 2 cargos.

A bientôt pour le point du 29, 12hTU !
Pierre

 

 

 

Sainte Anne, le 27 avril, 22h heure TU, 18h heure locale

Ca y est, c'est avec deux heures d'avance sur le planning que nous
larguons les amarres pour la transat !

Nous venons juste d'effectuer un arrêt baignade devant l'une des plus
belles plages de la Martinique, en face du Marin.

Le départ s'effectuera donc avec le soleil couchant.
Pierre

 

Le Marin, le 26 avril 2006

La journée d'hier a été longue ! Et celle d'aujourd'hui pas moins chargée !

L'avitaillement, le carénage et la préparation du bateau ont été abattus, sous
un soleil de plomb et une humidité lourde. Pour les nouvelles du bord
marquantes, l'équipage est aujourd'hui au complet : nous serons donc 4 à ramener
Phil's sur le vieux continent. Nos deux nouveaux comparses sont Mathieu Figeac,
28 ans, revenant de 8 mois de voyage au Chili, et Fabian Freund, 34 ans,
résidant à la Réunion !

La vie du bord s'organise et le départ approche ! Demain matin, nous remettons
le bateau à l'eau et prévoyons le départ dès le début de l'après-midi.

Pour l'anecdote, j'ai retrouvé sur la marina du Marin, un ami qui préparait son
bateau à Nantes sous le pont de Cheviré, et qui vient de réaliser une transat
en solo !
A demain,

 

 

Nantes, le 25 avril

Ce premier mail relève moins du partage d'aventure nautique que du compte-rendu
des déboires du touriste en vadrouille. A l'heure où j'étais censé être au
soleil de la Martinique, à préparer le carenage du bateau et surtout  à
effectuer l'avitallement. Ces tâches attendront, comme le bateau du reste !
Le départ du vol était soumis au bon vouloir du 747 Corsair à avaler ses 80
tonnes de kérozène. Mais visiblement, l'oiseau est capricieux : il a mis 24 h
de plus que prévu à ingurgiter son frugale menu !

Cette journée perdue est là pour me rapeller qu'une traversée de l'Atlantique,
ça se mérite ! L'heure d'arrivée ne se décrète pas d'avance...

Ce n'est pas grave, cette journée devra être rattrapée sur l'eau !
A bientôt,

Pierre

Nantes, le 24 avril 2006

 

Dans quelques heures déjà, le départ pour ce qui sera à mes yeux une aventure !

 

Bien qu’il faille relativiser ce qu’est une traversée de l’Atlantique à la voile en 2006 avec ce que cela représentait il y a de cela à peine 50 ans : c’est une promenade initiatique à l’aventure, avec la joie d’être perdu sur un désert d’eau salé … et la possibilité sécurisante d’allumer un GPS pour connaître à 50 mètres près sa position sur une Terre qui, vue par satellite, est finalement bien petite.

 

Adieu donc les contraintes vitales de calcul de position en fonction d’une déclinaison magnétique du compas, d’une estime au sextant, des recherches sur les tables d’éphémérides, bref de cette sensation envoûtante de « voir », mais la tête plongée dans du coton !

Le GPS, les prévisions météo marines, les cartes sûres et précises, les batteries et le moteur diesel qui nous procureront en continu notre autonomie énergétique, ménagent notre confort et surtout nous apportent des certitudes !

Le second et peut-être le plus important des changements par rapport à la voile d’il y a un demi-siècle vient de la possibilité de toujours communiquer avec la terre (balise de détresse, lien email, urgence médicale, etc.).

Toutes ces technologies et équipements ont certainement radicalement changer la nature d’une traversée à la voile d’un Océan.

 

Pourtant, une expérience comme une transat véhicule une dimension de rêve, d’imaginaire, d’intérêt qui se manifeste bien plus largement que chez le seul public des voileux et gens passionnés par la mer.

Traverser l’Atlantique à la voile, c’est emprunter un sentier tracé par d’illustres aventuriers, c’est prendre conscience de la taille de notre planète, c’est prendre le temps de vivre à son rythme, c’est revivre la magie de voir apparaître au loin la terre en sachant qu’il s’agit d’un « nouveau » continent. C’est finalement faire apparaître un profond sentiment de liberté et le retour à une vie plus « sauvage ». Sur un bateau au milieu de l’Océan, l’homme est à la fois son seul maître mais également à la merci des Eléments…

 

Merci de m’avoir lu jusque là. C’est bien la preuve de votre engagement à mes côtés !

J’espère que vous prendrez autant de plaisir à suivre cette traversée que moi à essayer de vous la faire partager !

Pierre


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